dimanche 29 mars 2009

Mrs Dalloway

« Je suis très, très contente que le livre en thaï te plaise...
Oui, bien sûr je peux te dire le nom de l'éditeur et de traducteur. Ce livre est publié pour la première fois l'année dernière ; l'éditeur s'appelle "Kombang" et le traducteur s'appelle "Dolasit Bang-kom-bang". » Apinya.


Un livre qui est la merveille des merveilles.
Ecrit en continu sans chapitre ni séparation, comme une phrase unique, comme la vie qui ne s’arrête jamais.

Un livre conçu en automne 1920, alors que l’écriture de la Chambre de Jacob commence, qu’elle finira à la fin de l’année 1924 et qui sera publié par la Hogarth Press au début de 1925.


- La 1ère traduction en français de Mrs Dalloway par S. David sera éditée par Stock en 1929, avec une préface d’André Maurois. Elle sera éditée en 1956, dans Le Livre de Poche, avec en couverture un joli dessin en couleur d’un carrefour de Londres. Cette même version sera reprise en 1973, dans le 1er volume de L’œuvre romanesque et sera réédité par Le Livre de Poche en 1982.

- La deuxième traduction en français sera l’œuvre de Pascale Michon en 1993 pour le recueil « Romans & Nouvelles » publié dans la collection Pochothèque du Livre de Poche, avec une préface de Pierre Nordon

- La dernière version de 1994 bénéficie d’une nouvelle traduction par Marie-Claire Pasquier et d’une longue préface de Bernard Brugière, dans la collection Folio chez Gallimard.


Un livre qui est celui d’une journée d’été à Londres, en juin 1933 qui commence avec Clarissa Dalloway, le principal protagoniste et le fil rouge du récit et qui se finit avec la grande soirée mondaine qu’elle donne chez elle.

Pendant cette journée, nous suivons dans les rues de Londres des personnages proches de Mrs Dalloway, son mari Richard, puis sa fille Elisabeth, puis Peter Walsh, éperdument amoureux de Clarissa en 1890 qui revient des Indes.

Il y a aussi quelques relations mondaines et puis un des personnages importants qui arrive là comme un homme vert débarquant de Mars, c’est Septimus Warren Smith qui incarne la poésie pure qui sombre dans la folie.


Pourquoi aime-t-on autant Clarissa Dalloway ? Surement parce qu’elle est très femme : belle, subtile, élégante avec une prescience de l’instant. Une femme très sensible qui a préféré la sécurité auprès de Richard Dalloway plutôt que l’aventurier Peter Walsh son grand amour qui la fait encore frissonner vingt ans après.

Mrs Dalloway c’est un peu le livre de Virginia, où on trouve beaucoup d’elle, des gens, des lieux et des situations qu’elle a connus. On retrouve aussi des personnages comme si le livre était un album de famille, de vie.

Ainsi Septimus Warren Smith et sa charmante épouse Rezia habitent le quartier de Bloomsbury, là où se trouve l’hôtel de Peter Walsh. C’est dans ce même quartier de Bloomsbury que Léonard et Virginia Woolf se sont installés en 1923, au 52 Tavistock Square.

De même Mrs Durrant et Clara, la mère et la fille, sont directement issues de « La Chambre de Jacob » où Clara était le grand amour romantique de Jacob…

Et puis il y a Sally, l’espiègle et originale ancienne grande amie de Clarissa qui m’évoque le personnage de Lily la jeune femme peintre de « To the Lighthouse” Et puis Virginia connaissait déjà Vita Sackville-West, même si leur liaison amoureuse ne commencera vraiment qu’en décembre 1925.


En relisant Mrs Dalloway dans la traduction initiale que je préfère, j’ai redécouvert des éléments plein de charmes. Ainsi Clarissa Dalloway qui a des traits communs avec Virginia mais qui ressemblait à une amie de sa mère,
« avait de jolies mains, de jolis pieds et elle s’habillait bien »

Un peu plus loin, Septimus Warren Smith entend un couple de moineaux :
« et ils chantèrent en mots grecs, avec des voix insistantes et perçantes, perchés sur des arbres, de l’autre côté de la rivière, dans la prairie de la vie, où marchent les morts, qu’il n’y a pas de mort. »

Passage extraordinaire de représentation de la maladie de Virginia qui entendait le chant des oiseaux en grec, de la vie et de la mort, des prairies où elle aimait se promener et de la rivière où elle choisit de quitter la vie…


La promenade de Septimus et de Rezia à Regent’s Park génère des nuages de poésie. Et tandis que sa femme essaye désespérément d’attirer son attention, Septimus entend une voix :

« - Regarde ! ordonnait l’invisible, la voix qui maintenant communiquait avec lui ; lui, Septimus, le plus grand parmi les hommes, récemment passé de la vie à la mort, Seigneur venu pour renouveler le monde, étendu comme un manteau, comme un tapis de neige immaculé sous le soleil, souffrant un sacrifice jamais consommé, bouc émissaire, éternelle victime. Mais il ne voulait pas, gémit-il, éloignant d’un mouvement de la main cette souffrance éternelle, cette solitude éternelle.
- Regarde ! répéta-t-elle, car il ne devait pas parler tout seul quand il était dehors.
- Oh ! Regarde ! implora-t-elle. Mais qu’y avait-il à regarder ? Quelques moutons. C’était tout. »



Clarissa comme Virginia souffre de sa frigidité avec les hommes, avec son mari. Elle s’interroge sur son attirance pour le charme de certaines femmes :
« Mais l’amour (pensait-elle, en ôtant son manteau), l’amour entre femmes. Voilà, par exemple, Sally Seton ; ses rapports autrefois avec Sally Seton. N’était-ce pas de l’amour, après tout ? »


C’est finalement très difficile de parler de ce livre qui est un enchantement, un fait magique. C’est la musique de l’âme. Pour moi c’est l’esprit de Virginia son talent et son amour des mots qui nous sont livrés en quelques cent cinquante pages.

La dernière page du livre, se confond avec les derniers instants de la soirée. Les deux êtres que Clarissa a aimés sont là, Sally et Peter ont attendu ensemble que Clarissa revienne les voir.

Sally se lève pour aller prendre congé de Richard Dalloway.

« Je viens, dit Peter, mais il resta encore un peu.
Quelle est cette crainte ? se demandait-il. Ce ravissement ? C’est Clarissa, dit-il.
Elle était là. »


Pour finir je dirai juste un mot des éditions anglaises qui, même en format de poche, sont très soignées et fort peu couteuses. Par exemple l’édition 2000 de Mrs Dalloway dans la collection Modern Classics de Penguin Books comprend un plan de Londres des années 20, une longue introduction d’Elaine Showalter de Princeton University, une bibliographie, une présentation de Stella McNichol, des notes en fin de volume et un appendice présentant les corrections apportées aux éditions de 1925 et de 1947.

Dimanche 29 mars 2009

dimanche 8 mars 2009

L’œuvre romanesque - vol 1


Alors qu’il y a eu une importante quantité de biographies

et d’essais inspirés par Virginia Woolf sans compter les

différentes éditions, extractions ou compilations réalisées

à partir des ses journaux, bizarrement les tentatives visant

à réunir ses « œuvres complètes » sont extrêmement rares

pour un écrivain d’une telle stature.


En effet il y a eu la superbe édition chez Stock, entre 1973

et 1979, de L’œuvre romanesque de Virginia Woolf en trois

beaux volumes avec une couverture entoilée et une jaquette

en papier glacé joliment illustrée par des portraits de l’artiste.

Vingt ans plus tard, donc en 1993 Le Livre de Poche publiera

dans la collection Pochothèque les « Romans & Nouvelles »

de Virginia Woolf en reprenant les six derniers romans et une

sélection d’une vingtaine de nouvelles.

Et puis… C’est tout !

C’est effectivement bien peu pour un auteur majeur même si

on peut se consoler en sachant que l’édition des œuvres

complètes est en préparation chez Gallimard dans la prestigieuse

« Bibliothèque de la Pléiade »



L’œuvre romanesque publiée par Stock n’est plus disponible

depuis longtemps chez l’éditeur. On peut la trouver sur les sites

Internet ou dans les librairies spécialisées, je crois même que j’ai

trouvé un des volumes au Marché aux Puces de Saint Ouen.

Le premier volume est le plus facile à trouver, par contre souvent

les jaquettes sont abimées ou manquantes.


J’aime bien mon volume 1 qui a été personnalisé par un certain John.

Sur la jaquette, il a inscrit « I love Marie Lou »
et sur la page de garde :

« For Marie Lou –

un monde –

Son monde ?

des mondes

démons ?

John

noël 1974 »

Je trouve que c’est émouvant.


Le premier volume édité en 1973, commence par une remarquable

préface de Diane de Margerie. Il comprend les trois romans qui ont

suivi « The Voyage out » et « Nuit et jour ».

A savoir : La chambre de Jacob, traduction de Jean Talva ;

Mrs Dalloway : préface d’André Maurois et traduction de S. David ;

La promenade au phare, préface de Monique Nathan et traduction

de Maurice Lanoire.


Ce volume initial de l’œuvre romanesque m’a donc permis de

découvrir une troisième traduction de la Chambre de Jacob après

celle de Magali Merle pour l’édition de poche en 1993 et la toute

récente version d’Agnès Desarthe pour la réédition en 2008 dans

la collection « La Cosmopolite ».

Cette dernière apportait une touche de modernité et une sorte

de fluidité qui rendait la lecture plus agréable. Cependant, c’est

avec la traduction de Jean Talva que j’ai pris le plus de plaisir.

Je trouve que le texte a plus de puissance et que l’emploi

de tournures anciennes et d’expressions désuètes permet

de se rapprocher du texte écrit par Virginia Woolf et de

l’ambiance lexicale et linguistique du début des années Vingt.

Trois romans de Virginia dans un seul très joli livre,

c’est trois fois plus de bonheur !


Dimanche 8 mars 2009