vendredi 5 février 2010

VIRGINIA WOOLF trois ou quatre choses que je sais d'elle


Couverture de l’édition française



Cet ouvrage de Claudine Jardin est intéressant à deux

titres, d’un point de vue historique et pour la façon

très vivante dont l’auteur qui est journaliste raconte

sa Virginia Woolf en soulignant avec une remarquable

précision les temps forts de l’existence de la romancière

anglaise.


J’ai appris des détails importants sur la vie de son entourage,

aussi bien ses parents que sa sœur chérie ou même sur son

rapport avec la psychanalyse, ainsi que son entrevue avec

Freud.

Et puis il faut dire que Claudine Jardin a le talent de faire

revivre Virginia et de mettre en relief les aspects atypiques

de sa personnalité qui en faisaient le charme mais aussi

qui la condamnait comme Proust à une vie solitaire,

vouée à l’écriture et aux mots.


C’est d’ailleurs en lisant Claudine Jardin que j’ai appris que

l’enregistrement de Virginia par la BBC, intitulé « Words Fail

Me » qui figure dans la note précédente intitulée « Les mots

de Virginia » est la seule trace conservée de la voix de ma

Woolfette suprême.


Il s’agit d’un livre publié en 1973 par les éditions Hachette,

avec un magnifique cliché de Gisèle Freund illustrant la

couverture.

Comme le fait remarquer Claudine Jardin dans sa préface,

il s’agit seulement du troisième ouvrage français consacré

à Virginia après ceux de Jean Guiguet et de Monique Nathan.


Pour écrire cet ouvrage qui est à mi-chemin entre l’essai et la

biographie, l’auteure s’est principalement référée à la somme

magistrale de Quentin Bell, publiée un an auparavant et au

« Journal d’un écrivain » qui est l’extrait littéraire réalisé par

Léonard Woolf à partir du journal intégral de Virginia.


Grace à Claudine Jardin, Virginia revit au fil des pages et

nous l’accompagnons :


Par exemple en s’appuyant sur La Promenade au Phare

elle évoque magnifiquement Leslie Stephen, le père :

« Ses filles sont aussi des femmes. Il a droit à leur charme,

à leur sourire et il exige leur approbation. Aussi, quand il ne

l’obtient pas, il cherche à dire quelque chose de gentil.

Pardonnez-moi, aimez-moi. Voilà ce qu’il enfouit sous n’importe

quelle petite phrase anodine. Comment alors lui résister ?

Comment combattre ce qui est bien une tyrannie ? »



Claudine Jardin montre bien l’importance de Thoby,

le frère disparu trop tôt qui fut « l’homme de sa vie »

Elle fait également, à plusieurs reprises, le parallèle, à mon sens

justifié, entre la vie de Madame Woolf et celle de Marcel Proust :

« Pour Proust, comme pour Virginia, les jours heureux de

l’enfance formaient non seulement la seule période bénie de la vie,

mais la clef de toute recherche sur eux-mêmes »


L’ouvrage nous montre le regard aigu et souvent tranchant

que porte Virginia sur les autres. En juin 1919, elle avait assisté

à Richmond à un défilé de la paix qui lui était apparu comme

« un festival pour domestiques » !

Elle était parfois très dure, surtout avec les femmes…

En 1923, quand on lui présenta Alix, la belle sœur de Lytton

Strachey, Virginia eut ces mots cinglants : « Oh, oui, Alix,

je sais tout de vous. Vous passez simplement tout votre temps

à danser et vous sombrez dans l’imbécilité à chaque instant. »



Virginia était assurément snob, mais elle qui a côtoyé les plus grands

personnages de son temps, comme Keynes ou Churchill, sans parler

de Freud qu’elle rencontra à Londres en 1939 et qui lui offrit une

fleur, se rend à son atelier d’imprimerie avec un air d’ange échevelé,

pieds nus dans de vieilles pantoufles, vêtue d’une chemise de nuit

déchirée, vaguement recouverte d’une robe de chambre…


Comme chez Proust, la maladie et le don semblent inséparables,

aussi malgré ses nombreuses connaissances évoluant dans le secteur

de la psychanalyse (comme son frère Adrian) Virginia ne voulu jamais

entendre parler d’une psychothérapie car elle était persuadée que sa

folie faisait partie intégrante de son génie




A ma connaissance, l’édition de 1973 est épuisée depuis

longtemps, mais on peut encore trouver quelques exemplaires

sur des sites de livres d’occasion.


C’est un livre très bien écrit et facile à lire qui donnera envie aux

Woolfistes débutants d’aller plus loin.

« La vie, plus de vie ! » disait Virginia.


Samedi 6 février 2010