vendredi 17 octobre 2014

Virginia Woolf – Colloque de Cerisy


Couverture de Pierre Bernard – Photo Roger Viollet

Cet ouvrage est la retranscription des actes du colloque qui s’est tenu au Centre Culturel international de Cerisy-La-Salle, dans la Manche, du 20 au 30 août 1974, sur le thème :
VIRGINIA WOOLF ET LE GROUPE DE BLOOMSBURY

Les débats animés par Jean Guiguet sont nourris de communications de Peter Fawcett, David Garnett, Gabriel Merle ou encore Marie-Paule Vigne, et parmi les nombreux participants, on peut citer Viviane Forrester, Hermione Lee, Clara Malraux et Françoise Pellan.

Il s’agit d’un livre publié par l’Union Générale d’Editions, au 2ème trimestre 1977,  dans la collection 10-18. A ma connaissance, c’est la seule édition qui existe de ce Colloque de Cerisy.

Dans son Introduction Jean Guiguet relève l’intérêt croissant que suscite l’œuvre de Virginia Woolf, non seulement dans les milieux universitaires mais aussi et surtout dans le grand public. Ainsi les tirages de « To the Lighthouse » atteignirent seulement 11 673 exemplaires pour les trois années qui suivirent sa publication en 1927 alors que de 1965 à 1967,
152 913 exemplaires furent édités…

Il ne faut pas oublier que dans les années 20, les livres se vendaient par milliers et non par centaines de mille comme aujourd’hui. Par exemple la Chambre de Jacob s’est vendue à 1 413 exemplaires la première année en
Angleterre et Mrs Dalloway à 2 236 exemplaires…


Jean Guiguet, oppose Bloomsbury à la Nouvelle Revue Française animée par Jean Paulhan. Pour lui, le groupe de Bloomsbury, n‘existe pas en tant que force politique ou mouvement philosophique structuré, c’est simplement un cercle d’amis qui échangent des idées…

En plus des communications documentées et intéressantes, les débats sont éclairés par les anecdotes ou les faits historiques rapportés, comme lorsque Clara Malraux évoque sa rencontre avec Virginia qui participait assidument au Congrès des Ecrivains à Londres, en 1936, en compagnie de Léonard Woolf et d’Etienne Forster.

Ce qui est frappant pour le lecteur d’aujourd’hui c’est de constater que les grands spécialistes de Virginia Woolf des années 1970, et Jean Guiguet le précurseur était un des plus éminents, connaissaient très peu de choses sur elle. Ils ne disposaient pas encore de l’intégralité du journal de Virginia ni de sa correspondance notamment avec Vita Sackville West ... Leur principale source d’informations sur Virginia était la biographie 
écrite par son neveu Quentin Bell qu’ils considéraient tous comme le Messie…  Et dont ils avaient impatiemment attendu la parution  du 1er tome en 1972, la version française sera éditée par Stock en septembre 1973.

Dans sa communication, Peter Fawcett insiste sur la grande attirance du groupe de Bloomsbury pour la France. Tous issus de la grande bourgeoisie et des bancs de Cambridge, ils connaissaient parfaitement la littérature française, classique et moderne et montraient un grand attachement pour la France que d’aucuns comme Clive Bell ou Roger Fry considéraient comme leur seconde patrie. Lytton Strachey faisait autorité pour la littérature française des 17ème et 18ème siècles et les membres du groupe qui considéraient André Gide comme un des leurs s’étaient 
enthousiasmé pour A la recherche du temps perdu. Virginia écrira en octobre 1922 à Roger Fry : « Ma grande aventure est en vérité Proust. Or, qu’est-ce qui reste à écrire après cela ? »

Ensuite, un autre écrivain anglais, David Daiches, livre une étude originale de l’œuvre de Virginia Woolf, sous l’angle topographique. Il montre ainsi l’imbrication étroite de la ville de Londres avec la construction romanesque de Mrs Dalloway. Virginia qui n’hésitait pas à se définir comme une
 intellectuelle qui habite à Bloomsbury, avait un sens aigu de l’atmosphère sociale et culturelle des différents quartiers de Londres.

C’est un livre intéressant par la variété des intervenants et la qualité des recherches menées sur l’œuvre de Virginia Woolf que je recommande aux Woolfistes chevronnés…



Vendredi 17 octobre 2014

lundi 15 septembre 2014

Elles


                                       Couverture de l’édition imprimée en août 2012


Elles est un sympathique petit ouvrage publié en septembre 2012
par Rivages poche dans la collection Petite Bibliothèque. Il s’agit
d’une collection de portraits de femmes réalisés sous forme de
courts essais par Virginia Woolf au fil des années et des articles
qu’elle écrivait.

Les six textes présentés dans ce recueil sont :
- Les lettres de Dorothy Osborne ;
- Mary Wollstonecraft ;
- Dorothy Wordsworth ;
- Geraldine et Jane ;
- Sara Coleridge ;
- Madame de Sévigné.

Virginia avait déjà rassemblé les quatre premiers essais dans The
Common Reader : Second Series, paru en 1932 et publié en français
en 2008, aux éditions L’Arche, sous le titre Comment lire un livre ?

- Les lettres de Dorothy Osborne reprend l’article de Virginia : Letters
of Dorothy Osborne to William Temple paru en octobre 1928 dans le
New Republic puis dans le Times Literary Supplement. Dorothy
Osborne est née en 1627 à Chicksands dans le Bedfordshire,
dans une grande famille noble. Après avoir refusé une longue série
de prétendants, Dorothy Osborne épousera en 1654 Sir William
Temple, l’homme qu’elle aimait depuis 1647 et qui lui fit une cour
clandestine de longue haleine et en grande partie épistolaire.  C'est
pour ses lettres à Temple, qui étaient pleines d'esprit, d’engagement
et de résistance à la pression sociale que le souvenir de Dorothy
Osborne est toujours vivace. 77 de ses lettres sont conservées à la
British Library.


- Mary Wollstonecraft : cet essai paru en octobre 1929 dans Nation &
Athenaeum puis dans le New York Herald Tribune.
Mary Wollstonecraft, née le 27 avril 1759 à Londres et morte le 10
septembre 1797, est une femme de lettres et une fameuse féministe
anglaise. Au cours de sa brève carrière, elle écrit des romans, des
traités, un récit de voyage, une histoire de la Révolution française et
un livre pour enfants. Elle est surtout connue pour l'ouvrage :
Défense des droits de la femme qui est un violent pamphlet contre la
société patriarcale de l’époque. Mary Wollstonecraft fut très attirée
par les idées de la Révolution française et sa vie sentimentale fut
relativement libre. Après différentes aventures, elle épousera le
philosophe William Godwin, un des fondateurs du mouvement
anarchiste. Elle mourra à l'âge de trente-huit ans, dix jours après la
naissance de sa deuxième fille qui deviendra célèbre sous le nom de
Mary Shelley.

- Dorothy Wordsworth ; cet essai paru en octobre 1929 dans Nation
& Athenaeum puis dans le New York Herald Tribune, une semaine
après l’essai consacré à Mary Wollstonecraft.
Dorothy Wordsworth  est née le 25 Décembre 1771 à Cockermouth,
dans le Cumberland en 1771. Elle était la sœur du poète William
Wordsworth et tous les deux furent inséparables toute leur vie.
Dorothy Wordsworth qui avait un grand sens de l’observation
naturaliste n'avait pas l’ambition d'être un auteur. Ses écrits se
composent d'une série de lettres, d’entrées de journal, de poèmes et
de nouvelles.

- Geraldine et Jane ; Cet essai reprend l’article de Virginia consacré
à Geraldine Endsor Jewsbury paru en février 1929 dans le Times
Literary Supplement puis dans la revue The Bookman à New York.
Geraldine Endsor Jewsbury est née en 1812 à Measham, dans le
Derbyshire. Férue de journalisme, Geraldine est surtout connue pour
ses romans populaires tels que Zoe : l'histoire de deux vies et ses
critiques pour le magazine littéraire Athenaeum.  Elle ne s’est jamais
mariée mais elle avait beaucoup d'amis et de connaissances. Elle a
entretenu une relation extrêmement étroite avec Jane Carlyle, une
remarquable épistolière et femme d’esprit mariée à l’essayiste
Thomas Carlyle. Geraldine se sentait très attirée par Jane et la
complexité de leur relation se reflète dans la correspondance de
Geraldine Endsor Jewsbury.

Les deux derniers textes de ce recueil ont été publiés à titre
posthume, en 1942, par la Hogarth Press dans le recueil The Death
of the Moth and Other Essays mais ils n’ont pas été repris dans
l’édition française « La mort de la phalène » en 1968. Ces deux
derniers essais sont donc inédits en français.

- Sara Coleridge ; L'essai sur Sara Coleridge, fut écrit en Septembre
1940, pendant les accalmies entre les vagues de bombardement
allemand sur le Sussex. Sara Coleridge, née le 23 Décembre
1802 à Keswick dans le Cumberland était traductrice et auteur de
contes.  Elle était surtout  la seule fille du poète Samuel Taylor
Coleridge et à ce titre elle consacra une partie de sa vie à la tâche
épuisante de l'édition des œuvres de son père. Sara Coleridge est
morte à Londres le 3 mai 1852. En hommage à Sara, sa fille
publiera en 1873, Mémoires et lettres de Sara Coleridge. 
Les lettres montrent un esprit cultivé et contiennent de nombreuses
critiques d’ouvrages et d’auteurs connus comme Wordsworth et les
poètes du lac.

- Madame de Sévigné : Marie de Rabutin-Chantal, épouse Sévigné,
dite la marquise de Sévigné, née le 5 février 1626 à Paris, est une
femme de lettres, célébrée en son temps comme femme
d'esprit mais non comme épistolière hors du commun, c'est dans
sa correspondance avec sa fille que Madame de Sévigné offre
l'exemple d'une œuvre involontaire : l'important pour elle était de
rester en relation avec sa fille vivant en Provence.
La correspondance de Mme de Sévigné avec sa fille, Françoise-
Marguerite de Sévigné, comtesse de Grignan, s’effectua à peu près
pendant vingt-cinq ans au rythme de deux ou trois lettres par semaine.
Les lettres de Mme de Sévigné firent  l’objet d’éditions successives
en 1725, en 1734, puis en 1754. On connait aujourd’hui 1 120
lettres de Madame de Sévigné mais certaines ont été remaniées
ultérieurement et d’autres détruites…


Virginia Woolf dresse un portrait très amical et compréhensif de ces
femmes qui ont eu le courage de s’engager dans la vie et dans les
mots. Elle parle notamment avec beaucoup de chaleur de
l’enthousiasme inaltérable de Geraldine Endsor Jewsbury qui semble
la plus éloignée des hauteurs de Virginia mais dont elle fait revivre
les passions avec la juste couleur de l’émotion.

Merci Virginia, c’est un régal !


Samedi 13 septembre 2014