mercredi 23 décembre 2009

La Maison hantée



La nouvelle tient une place importante dans l’œuvre
et dans la vie de Virginia Woolf car elle écrivait tout le temps
et notait régulièrement des idées, des sujets ou des trames
de « short stories ».

Son itinéraire littéraire est scandé par la parution de cinq recueils
de nouvelles dont La Maison hantée est le plus riche car il reprend
l’essentiel de Monday or Tuesday en le complétant de nouveaux
textes dont certains inédits.

1° Le mythique « Monday or Tuesday » est le seul volume
de nouvelles paru du vivant de Virginia Woolf, en 1921.
Monday or Tuesday est toujours disponible en anglais,
édité notamment par Hesperus Press Limited (Hesperus Classics)
ou par Dover Publications (Dover Thrift Editions).
A ma connaissance, il n’y a jamais eu de publication en français.

Ce recueil comprenait huit nouvelles :
- Monday or Tuesday (Lundi ou mardi), écrit en novembre
ou décembre 1920.
- A Haunted House (Une maison hantée), publié en1921.
- An Unwritten Novel (Un roman esquissé), publié en juillet 1920.
- The String Quartet (Le quatuor à cordes), publié en 1921.
- Kew gardens, publié en mai 1919 par la Hogarth Press.
- The Mark on the Wall (La marque sur le mur), écrit en été 1917.
- A society (Une société), publié en1921, non repris ultérieurement.
- Blue and Green (Bleu et vert), publié en1921, ne sera pas repris.


2° « The Haunted House and Other Short Stories» parait en 1943,
deux ans après la mort de Virginia Woolf.
Traduit par Hélène Bokanowski, il sera édité par les éditions Charlot
en 1946, sous le titre « La maison hantée ».
C’est une édition épuisée depuis longtemps et donc très rare.
Pendant longtemps deux seuls exemplaires étaient proposés par des
libraires spécialisés sur Internet dont l’un avait la couverture
abimée, je me suis donc procuré l’autre dont les pages n’étaient
même pas coupées.

La remarquable préface a été écrite par Léonard Woolf en 1943,
il explique parfaitement comment il a choisi les textes, dans le
prolongement de la volonté de Virginia qui avait décidé en 1940
de la publication d’un nouveau volume de nouvelles dont elle
prévoyait la sortie en 1942.

Le recueil « La maison hantée » est composé de trois blocs de
six nouvelles :

1) Les nouvelles déjà publiées dans Monday or Tuesday, à l’exception
de « A society » et de « Blue and Green » auxquelles Virginia ne
tenait pas vraiment ;

2) Six nouvelles déjà parues dans diverses revues entre 1922 et 1941 :
- The New Dress (La robe neuve), 1925.
- The Shooting Party (La partie de chasse), publiée en 1938.
- Lappin and Lapinova (Lappin et Lapinova), écrite en 1919
et publiée en 1939.
- Solid Objects (Objets massifs), octobre 1920.
- The Lady in the Looking Glass (La dame au miroir),
écrite en décembre 1927 et publiée en décembre 1929.
- The Duchess and the Jeweller (La duchesse et le bijoutier),
écrite en 1937 et publiée en 1938.

3) Et pour finir, six nouvelles inédites :
- Moments of Being (Moments de l’être), publié en janvier 1928.
- The Man who Loved his Kind (L’homme qui aimait son prochain),
écrit au printemps 1925.
- The Searchlight (Le projecteur), écrit en février 1939.
- The Legacy (Le legs), publié en 1943.
- Together and Apart (Ensemble et séparés), écrit au printemps
1925.
- A Summing Up (Mise au point), écrit au printemps 1925.


Lire et relire les dix huit nouvelles de ce volume conçu par Léonard
Woolf est un moment de grand bonheur et apporte une sensation
de plénitude.
A travers les variations de rythme et de plans composées par la
romancière, c’est toute l’œuvre de Virginia qui s’annonce, déjà
présente dans la recherche d’une sorte de dissonance fluide qui
à chaque lecture me surprend et m’émerveille.

Le mieux placé pour en parler, loin du verbiage asticotatoire de
certaines universitaires reste Léonard Woolf, le plus fidèle serviteur
de Virginia et de son œuvre :

« Toute sa vie, Virginia Woolf écrivit des nouvelles. Lorsqu’un sujet
lui passait par la tête, elle le notait grosso modo par écrit et rangeait
cette ébauche dans un tiroir. Si plus tard un éditeur lui demandait
une nouvelle et si elle se sentait d’humeur à l’écrire (ce qui était fort
rare), elle sortait l’une de ces ébauches de son tiroir et la récrivait,
souvent un très grand nombre de fois. Lorsqu’elle travaillait à un
roman, elle éprouvait également le besoin (c’était fréquent), de se
reposer l’esprit en faisant pendant quelque temps autre chose. Elle
écrivait alors un essai de critique ou bien retravaillait l’une de ces
nouvelles à l’état d’ébauche. »
(1943, préface de La Maison hantée, traduite par Hélène Bokanowski).


3° Les trois autres volumes de nouvelles publiées à titre posthume,
par la Hogarth Press : « The Death of the Moth », « The Moment »
et « The Captain’s Death Bed » seront également traduits en Français
par Hélène Bokanowski et intégrées avec la Maison Hantée dans un
vaste volume appelé « La mort de la phalène, édité par Le Seuil
en 1968 et régulièrement réédité dans la collection Points.


Les traductions les plus récentes des short stories de Mrs Woolf
sont l’œuvre de Pierre Nordon qui a publié en 1993 dans Le Livre de
Poche un recueil bilingue de douze textes sous le titre de "Kew
Gardens", avec des renvois et des notes sur la traduction fort
enrichissantes.

On retrouvera ensuite dix neuf nouvelles de Virginia dans l’anthologie
que lui consacre Pierre Nordon : « Romans et nouvelles » édité le 12
décembre 2002 par le Livre de Poche dans la collection Pochothèque.
En dehors des nouvelles traductions dues à Pierre Nordon et Pascale
Michon, l’intérêt de cette compilation est de pouvoir découvrir en
français les deux textes bannis par Léonard Woolf « Une société »
ainsi que « Bleu et vert ».


Une façon de boucler la boucle…

Comme disait Mrs Dalloway (who was always so charming) dans
« La robe neuve » :

« But it’s too early to go ! »

Mercredi 23 décembre 2009

dimanche 20 décembre 2009

Nouvelles anglaises



Ce très joli recueil de nouvelles a un triple rapport avec

Virginia Woolf :

1° Il s’agit d’un vaste panorama de la littérature anglaise,

depuis le 13ème siècle et l’auteur inconnu de « Sire Gauvain »

jusqu’au 20ème siècle avec notamment D. H. Lawrence,

Katherine Mansfield et Evelyn Waugh, en passant par les

grands classiques Walter Scott, Thomas de Quincey et

Charles Dickens, sans oublier les Hardy, Stevenson, Wilde

ou encore Conrad… Que du beau monde !

2° Le choix des nouvelles et la préface du livre sont l’œuvre

d’Hélène Bokanowski, grande spécialiste de la littérature

anglaise et de l’œuvre de Virginia dont elle a traduit en Français

pratiquement toutes les nouvelles.

3° Parmi les vingt deux short stories présentées, figure en bonne

place « La Marque sur le Mur » de Mrs Woolf.


Ces Nouvelles anglaises parues chez Seghers en 1963, constituent

le septième volume de la collection MELIOR que l’éditeur présente

comme « populaire par son prix et luxueuse par sa présentation ».

L’exemplaire que je me suis procuré dans une librairie spécialisée

est effectivement imprimé sur beau papier et relié sous jaquette

rhodoïd qui permet une conservation parfaite.


Les nouvelles sont présentées par ordre chronologique et chaque

texte est précédé d’une courte biographie.

Dans sa très fine préface, Hélène Bokanowski explique son souci

de mieux faire connaître les auteurs anglais en France et elle cite

notamment le cas de Virginia Woolf : « …sans passer inaperçue,

ne reçut pas l’accueil mérité par celle que les Anglais considèrent

eux, comme l’un des grands, sinon le plus grand romancier de la

première moitié du siècle. Aujourd’hui, on reparle d’elle, car on s’est

aperçu qu’elle fut, plus ou moins directement, à l’origine de cette

école dite du nouveau roman …. elle fut la première à donner à des

personnages la dimension qu’ils prennent quand leurs rapports avec

autrui et le monde extérieur se définissent par le flux du

subconscient plutôt que par l’action. »


« The Mark on the Wall » est une nouvelle mythique de Virginia

Woolf, car c’est tout bonnement la première à être publiée, en 1917.

Auparavant, Virginia avait seulement publié son premier roman,

« The Voyage Out », en 1915.

The Mark on the Wall a aussi une forte portée symbolique,

car ce fut la première publication de la Hogarth Press, la

maison d’édition des Woolf.


La nouvelle traduite par Hélène Bokanowski sous le titre

« La Marque sur le Mur » sera ensuite reprise dans le recueil

« Une Maison hantée » édité par Charlot en 1946, puis dans

le florilège intitulé « La Mort de la phalène » édité par Le Seuil,

en 1968.


Pour parler de la nouvelle, avec Virginia, c’est simple, la magie

est immédiate, il suffit de l’écouter parler d’un arbre, d’un simple

arbre de bois :


J’aime à penser à l’arbre en soi : d’abord à cette compacte et sèche

sensation d’être de bois ; puis au grincement de l’orage, et puis

à ce lent, à ce délicieux suintement de la sève.

J’aime à songer aussi à l’arbre dans un champ par les nuits d’hiver,

lorsque toutes ses feuilles repliées sur elles-mêmes, il dissimule

sa fragilité au fer des projectiles lunaires ; mât dénudé, planté

dans une terre qui tombe, tombe toute la nuit.

Le chant des oiseaux doit lui sembler très fort, étrange aussi

en juin ;

et les pieds des insectes doivent lui donner froid lorsqu’ils

progressent laborieusement le long des plis de son écorce, ou

qu’ils se chauffent au soleil sur la mince et verte tente de ses

feuilles, regardant droit devant eux, avec leurs yeux à facettes

rouges…



Que dire de plus ?

- Rien !

- Ou plutôt Merci.


Dimanche 20 décembre 2009